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Comment retrouver, contacter et soutenir les personnes étrangères arrêtées à la frontière franco-britannique

Also available in English. هذا النص متوفر أيضا باللغة العربية

Dans le nord de la France, les personnes étrangères peuvent être interpellées et placées en retenue administrative par la Police Aux Frontières (PAF) suite à un contrôle d’identité, l’expulsion d’un lieu de vie ou un sauvetage en mer.

La brochure page par page :

La brochure à imprimer :

Parloir sauvage devant le CRA de Coquelles ! // Demonstration in support of prisoners in front of the Coquelles detention centre !

Ce lundi, 1er janvier 2024, quelques personnes sont allées devant le CRA de Coquelles, à côté de Calais, pour lancer des messages de soutien et de libertés aux prisonnier-es. Les détenu-es d’une des zones ont pu sortir dans la cour et à leur tour crier “Liberté”.

On Monday 1st of January 2024, a few people went in front of the Coquelles detention centre, near Calais, to send messages of support and freedom to the prisoners. From the courtyard of one of the zones, the detainees were in turn able to shout “Freedom”.

Au CRA de Coquelles : “Ils m’ont kidnappé”, témoignage d’Ahmed / In the Coquelles detention center : “They kidnapped me”, Ahmed’s testimonial

[English translation below]

Après avoir fini sa peine de prison, Ahmed a été enfermé au CRA (centre de rétention administrative) de Coquelles, à côté de Calais. La police le retient depuis une vingtaine de jours dans cette prison pour les personnes sans-papiers en attente d’expulsion, alors qu’il voudrait quitter le pays au plus vite pour rejoindre sa famille qu’il n’a pas vu depuis longtemps. Voici son témoignage, qu’il souhaite diffuser aussi largement que possible, notamment aux journalistes.

« Le 4 août je suis sorti de la prison de Longuenesse. Normalement, je devais sortir entre 8h et 9h. La prison m’a gardé jusqu’à 11h en cellule. Dans la loi française c’est un vice de forme. A 11h je suis sorti de la cellule. A 11h20 j’étais au greffe. Là, il y a eu encore un retard. A 11h45, la police m’a pris dans son bureau. À 12h20, j’avais encore le numéro d’écrou. C’est interdit par la loi française.

Après, ils m’ont menotté derrière le dos, ils m’ont blessé à la main. J’ai dit « vous me faites mal », il m’a dit « je veux rien savoir de tout ça, je fais ce que je veux ». J’ai parlé avec l’assistante sociale d’ici, qui m’a dit « normalement ils doivent te relâcher, ils ont pas le droit de te garder ici ». Quand je suis passé devant le juge, il a rien voulu savoir de tout ça. Il a rigolé devant moi. Pourtant l’avocat a bien dit qu’il y avait un vice de forme. Il m’a donné 28 jours en plus. J’ai fait appel, mon appel a été rejeté j’ai même pas pu passer.

Nous les Marocains, les Algériens, on est bloqués ici. Ils ont pas le droit de me garder ici. Quand j’étais en prison, j’ai écrit plein de lettres à l’ambassadeur du Maroc, il m’a jamais répondu. Je suis bloqué ici. Je comprends pas ce que je fais ici. Quand j’étais à la prison, on m’a dit que j’étais vraiment victime de racisme.

En prison, je suis passé 9 fois devant le juge d’application des peines. Il m’a dit « tu finis la prison, après tu rentres chez toi ». Maintenant on me laisse pas partir. Où elle est la justice ? Moi j’ai jamais refusé d’être expulsé, je me suis toujours bagarré pour rentrer chez moi. Le problème c’est que la justice a toujours refusé quand j’étais en prison. Maintenant elle m’envoie ici.

Ici c’est dégueulasse, on marche au milieu des poubelles, il y a des souris qui nous marchent dessus la nuit. On a des portables donnés par la police, mais le problème c’est qu’ils ont coupé les caméras. Sinon j’aurais filmé tout, tout, tout. Y a rien qui marche ici. C’est pire que la prison !

Aidez-moi s’il vous plaît. Je veux pas rester ici, je veux sortir. J’ai une famille, des enfants. Ils sont au Maroc, et une fille en Angleterre. Ils m’appellent et ils disent « viens chez nous, tu nous manques, viens nous voir ». J’ai fini ma prison, j’ai fait ma peine.

L’autre jour, j’ai fait grève de la faim pendant 4 jours. J’ai pas mangé. L’infirmier il m’a même pas appelé. Normalement tu fais une grève de la faim, au bout du 2ème jour ils t’appellent. Là, il m’a rien demandé. Ils en avaient rien à foutre. Ils en ont rien à foutre de tout le monde ici, pas juste de moi.

Hier, j’ai demandé à l’assistante sociale comment faire pour sortir, pour qu’elle m’aide. J’ai demandé « Vous pouvez demander à la police où ça en est les papiers ? ». Elle m’a dit « non je peux pas faire ça, un criminel il faut qu’il paie. ». J’ai dit « j’ai déjà fait de la prison, j’ai fait ma peine, t’as pas le droit de me parler comme ça ». Je suis parti parce que je veux pas me prendre la tête avec elle, je veux pas plus de problèmes. Mais quand elle a dit ça, j’étais choqué. Moi j’ai payé ma peine en prison.

Ici, dans la promenade, y a des bouteilles, des mouchoirs, des cigarettes, partout, c’est dégueu. Personne vient nettoyer ça. J’ai demandé « donne-moi un balai je vais nettoyer ça », on m’a dit « non monsieur c’est interdit »… Alors ramenez quelqu’un pour nettoyer ça ! Dommage que les téléphones ils aient pas de caméras.

J’ai besoin de parlez avec des journalistes. Il faut qu’on voit ce qu’on fait ici. Ça c’est pas une justice. Ils m’ont kidnappé. Il faut qu’ils paient. Normalement du bureau de la police ils devaient pas me ramener ici, normalement ils devaient me relâcher tout de suite. »

ENGLISH :

After his prison sentence ended, Ahmed was locked up in the Coquelles CRA (centre de rétention administrative = immigration detention centre), near Calais. For about 20 days, the police kept him in this prison for undocumented people waiting to be deported, while he wants to leave the country as soon as possible in order to join his family whom he has not seen for a long time. Here is his testimonial, that he wishes to circulate as widely as possible, especially to journalists.

“On August 4th I got out of Longuenesse prison. Normally, I should have been let out between 8 and 9AM. The prison kept me in my cell until 11AM. In French law, that’s a procedural error. At 11AM, I got out of the cell. At 11.20, I was with the prison’s administration. There, there was another delay. At 11.45, the police took me into their office. At 12.20, I still had a prison identification number. This is forbidden by French law.

Next, they handcuffed me behind my back, they hurt my hand. I said “you’re hurting me”; he said, ” I don’t want to hear about it, I do whatever I want.” I spoke with the social worker in here who said,  “Normally they have to release you, they are not allowed to keep you in here.” When I appeared before the judge, he did not care about any of this. He laughed in my face. Yet, the lawyer did say that there was a procedural error. He gave me 28 more days. I appealed the verdict, my appeal was rejected, I didn’t even get to pass. 

Us, Moroccans, Algerians, we are stuck here. They are not allowed to keep me in here. When I was in prison, I wrote plenty of letters to the Moroccan ambassador, he never answered. I am stuck here. I don’t understand what I’m doing here. When I was in the prison, I was told that I’ve truly been a victim of racism. 

In prison, I appeared 9 times before the judge for sentence enforcement. He told me, “You will finish prison, then you will go back home.” Now I’m not allowed to go. Where is the justice ? I never refused to be deported, I’ve always fought to go back home. The problem is that the judge always refused while I was in prison. Now, they send me here.

Here it’s disgusting, we walk in the middle of garbage, there are mice running on us at night. We have cell phones given by the police, but the problem is that they cut off the cameras. Otherwise I would have filmed everything, everything, everything. Nothing works in here. It’s worse than jail!

Help me please. I don’t want to stay here, I want to leave. I have a family, children. They are in Morocco, and a daughter in England. They call me and they say,  “Come to our house, we miss you, come to see us.” I have finished prison, I served my sentence.

The other day, I went on a hunger strike for 4 days. I haven’t eaten. The nurse didn’t even call me. Normally, when you go on a hunger strike, after the second day they call you. He didn’t. They didn’t give a fuck. They don’t give a fuck about anybody here, not just me.

Yesterday, I asked the social worker how I can get out, so that she could help me. I asked, “Can you ask the police where we are at with the papers?” She told me “No I can’t do that, a criminal has to pay.” I said, “I’ve already been in prison, I’ve served my sentence, you have no right to talk to me like that.” I left because I don’t want to mess with her, I don’t want more problems. But when she said that, I was shocked. I paid my sentence in prison.

Here, in the prison yard, there are bottles, tissues, cigarettes, everywhere, it’s disgusting. Nobody comes to clean it up. I asked, “Give me a broom, I’ll clean this.” They said, “No, sir, it’s forbidden”… So bring someone to clean this! Too bad the phones don’t have cameras.

I need to speak with journalists. They must see what’s going on here. This isn’t justice. They kidnapped me. They have to pay. Normally from the police office they shouldn’t have brought me back here, normally they should release me right away.”

Stop à l’enfermement et la déportation des naufragé-es à Calais ! / Stop the detention and deportation of survivors in Calais!

[English below]

STOP À L’ENFERMEMENT ET LA DÉPORTATION DES NAUFRAGÉ-ES À CALAIS !

Depuis des années à la frontière franco-britannique, les autorités profitent des naufrages de bateaux de personnes exilé-es qui tentent de rejoindre le royaume-uni pour arrêter, enfermer et déporter les personnes secourues.

Samedi 12 août, un naufrage meurtrier a eu lieu au large de la ville de Sangatte, près de Calais, avec la mort/disparition d’au moins 8 passager-es d’un “smallboat” (ces bateaux de fortune qu’utilisent les personnes exilées pour franchir la Manche depuis le renforcement de la frontière franco-britannique). Cet énième drame aurait pu être évité et est la conséquence de la militarisation de la frontière, qui n’empêche pas les passages mais les rend seulement plus dangereux. Nos pensées vont aux rescapé-es et victimes ainsi qu’à leurs familles.

Le même jour, un autre naufrage d’une embarcation d’exilé-es a eu lieu dans la Manche. Si ses passager-es ont été moins malchanceux-ses, puisqu’il n’y a eu aucun décès, la Police Aux Frontière (PAF) a profité de l’opération de sauvetage pour arrêter au moins 3 naufragés, et les enfermer au centre de rétention administrative (CRA) de Coquelles. Les CRA sont des prisons où l’état français enferme les personnes qui n’ont pas les « bons papiers » dans l’attente de leur expulsion du pays. Les conditions de vie et mauvais traitements y sont régulièrement dénoncées par les prisonnier-es, qui n’ont commis aucun délit ou crime.

Cette pratique d’enfermer en CRA les rescapé-es de naufrage est récurrente à Calais. Depuis des années, des personnes sont régulièrement enfermé-es au CRA avec leurs vêtements trempés, sans même qu’on leur donne de quoi se changer.

Survivre à un tel drame est déjà une expérience horrible, qui peut avoir des conséquences psychologiques graves (d’autant qu’ils peuvent réactiver des traumatismes liés à de précédentes traversées aux portes de l’Europe). Le risque de placement en rétention et de déportation est une violence supplémentaire pour les rescapé-es, alors que les CRA sont depuis des années pointés du doigt pour le manque d’accès aux soins, notamment psychologiques.

Les autorités font preuve d’un cynisme sans limite. Profiter d’une opération de secours pour arrêter, enfermer, voire expulser, des naufragé-es, est une honte. L’état espère que ce type de pratiques répressive dissuadera les tentatives de franchissement de la frontière, mais la situation à Calais montre depuis des années qu’il n’en est rien. La possibilité d’être enfermé-e suite à un naufrage risque juste de dissuader les personnes exilé-es d’appeler les secours en cas de problème en mer.

La militarisation de la frontière n’empêche pas les gens de passer la frontière (en témoigne le nombre record d’arrivées “clandestines” au Royaume-Uni en 2022 ; plus de 100 000 personnes migrantes ont traversé la Manche à bord de smallboats depuis 2018 selon un décompte AFP publié le 11 août 2023), mais la rend seulement plus meurtrière (au moins 11 morts depuis début 2023, 376 depuis 1999, sans compter les personnes disparues). Pourtant les gouvernements britannique et français s’obstinent dans cette impasse sécuritaire, avec notamment l’annonce il y a quelques mois d’ouvrir un 2ème CRA dans la région pour enfermer et déporter toujours plus de personnes. Les sommes énormes prévues pour ce type de projet pourraient plutôt servir à renforcer les secours en mer, ou mieux à démanteler la frontière pour que sa traversée ne soit plus un danger.

Nous appelons à la libération immédiate de toustes les naufragé-es enfermé-es, ainsi qu’à la fermeture des CRA, l’arrêt des déportations et la liberté de circulation.

Calais anticra

STOP THE DETENTION AND DEPORTATION OF SURVIVORS IN CALAIS!

For years on the French-British border, the authorities have taken advantage of the search and rescue operations of boats of people on the move trying to reach the United Kingdom to arrest, lock up and deport the survivors.

On Saturday August 12, a deadly shipwreck took place off the town of Sangatte, near Calais, with the death/disappearance of at least 8 passengers from a “small boat” (makeshift boats used by people on the move to cross the Channel since the reinforcement of the Franco-British border). This umpteenth tragedy could have been avoided and is the consequence of the militarisation of the border, which does not prevent border-crossings but only makes them more dangerous. Our thoughts are with the survivors and victims as well as their families.

The same day, another rescue of an small boat took place in the English Channel. The travellers were more fortunate, since there were no deaths, but the French Border Police nevertheless took advantage of the rescue operation to arrest at least 3 survivors, and lock them up in the detention center (CRA – “centre de rétention administrative”) of Coquelles. The CRAs are prisons where the French state locks up people who do not have the “right papers” pending their removal from the country. The living conditions and ill-treatment inside are regularly denounced by the prisoners, who have not committed any offense or crime.

This practice of locking shipwreck survivors in the detention center is recurrent in Calais. For years, people have been regularly locked up in the CRA with their clothes soaked, without being given anything dry to change into.

Surviving such a tragedy is already a horrible experience, which can have serious psychological consequences (especially since they can reactivate traumas linked to previous crossings at the edges of Europe). The risk of placement in detention and deportation is an additional violence for the survivors, while the CRAs have been singled out for years for the lack of access to care, particularly psychological care.

The authorities show unlimited cynicism. Taking advantage of a rescue operation to arrest, confine, or even remove survivors people is shameful. The state hopes that this type of repressive practice will deter attempts to cross the border, but the situation in Calais has shown for years that this is not the case. The possibility of being locked up following a shipwreck just risks dissuading people on the move from calling for help in case of a problem at sea.

The militarization of the border does not prevent people from crossing (evidenced by the record number of “clandestine” arrivals in the United Kingdom in 2022; more than 100,000 migrants have crossed the Channel on board small boats since 2018 according to an AFP count published on August 11, 2023), but only makes it more deadly (at least 11 people killed since the beginning of 2023, 376 since 1999, not counting the missing people). Yet the British and French governments persist in this securitisation impasse, with in particular the announcement a few months ago to open a second CRA in the region to lock up and deport ever more people. The enormous sums planned for this type of project could better be used to reinforce rescue at sea, or better still to dismantle the border so that crossing it no longer presents danger.

We call for the immediate release of all shipwrecked imprisoned, as well as the closure of the detention centers, a halt to deportations and freedom of movement.

Calais anticra