Texte de soutien des associations//Text of support from associations

Communiqué de presse

Publié le 16 novembre 2015

Non, le mouvement No Border n’est pas responsable de l’augmentation de la tension dans le Calaisis

« Ils incitent les migrants à des actes de violence ». « Ils profitent du désarroi et de la détresse des migrants, et les poussent (…) à l’émeute ». « Ils utilisent les migrants pour leur propre combat ».

Le ministère de l’intérieur, la maire de Calais, la préfète du Pas-de-Calais ont uni leurs voix pour accuser les militants No Border d’être à l’origine de l’augmentation de la tension à Calais et à l’intérieur du ghetto où ont été assignés plusieurs milliers d’exilé.e.s.

Les No Border les inciteraient à affronter les forces de l’ordre, leur conseilleraient de bloquer les camions sur les routes pour passer en Angleterre, et les dissuaderaient d’accepter des propositions alternatives d’hébergement…

Nous, associations et collectifs qui soutenons les exilé.e.s, affirmons que ces accusations sont mensongères et infondées.

Depuis des années, le mouvement No Border œuvre en solidarité avec les migrant.e.s de Calais, au travers d’actions de toutes sortes. Aide matérielle, accompagnements administratifs et sanitaires, conseil juridique, à l’instar de ce que pratiquent les autres organisations du Calaisis, mais aussi ouverture de divers squats pour des exilé.e.s laissé.e.s à la merci des vents et de la pluie, et recueils d’observations des violences policières qui a ouvert la voie à plusieurs enquêtes du Défenseur des droits aux conclusions accablantes pour l’administration. C’est de toute évidence cette obstination à établir et à dénoncer les violences institutionnelles que les pouvoirs publics entendent faire payer aux No Border, n’hésitant ni à user de la calomnie pour les marginaliser, ni à instrumentaliser l’appareil judiciaire.

La violence, de quel côté est-elle ?

Des milliers de personnes qui ont fui les guerres et les dictatures contraintes de survivre dans un terrain éloigné de tout, sans toit, quasiment sans eau, ni toilettes, sans accès aux soins suffisants ni à une information juridique de qualité… La violence n’est-elle pas dans l’indignité d’un tel traitement ?

La violence, c’est aussi la récusation systématique des conclusions de toutes les enquêtes qui, depuis des années, apportent les preuves de graves dérives de la part des pouvoirs publics, qu’il s’agisse des conditions d’accueil, du comportement des forces de l’ordre ou de la passivité de la justice. Cette mauvaise foi s’applique de la même manière aux observations convergentes du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, du Défenseur des droits et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), de Human Rights Watch, ou d’associations nationales. Elle se manifeste, par ailleurs, par l’ignorance de constats en manquement aux règles de l’asile de l’Union européenne ou par la contestation de décisions de justice, comme celle, toute récente, du Tribunal Administratif de Lille ordonnant des améliorations urgentes des conditions de vie dans le ghetto de Calais.

La violence, c’est encore la volonté des autorités aussi bien nationales que municipales de reléguer les personnes migrantes loin de la ville, de chercher à les rendre invisibles, en ne tolérant leur présence qu’en un lieu excentré que les autorités appellent « la lande » pour dissimuler qu’il est en réalité un bidonville situé à la fois sur une ancienne décharge, une zone classée Seveso et un espace naturel protégé.

La violence, c’est aussi cette politique de dispersion qui entraîne des centaines d’interpellations et de placements en rétention illégaux aux quatre coins du territoire français, dans l’unique objectif de repousser les personnes exilées loin de Calais et des autres camps du Nord Pas-de-Calais. C’est une politique absurde et coûteuse qui n’a qu’un résultat : davantage d’humiliation et de traumatismes.

La violence, c’est enfin celle de murs et de barbelés toujours plus nombreux et sophistiqués, celle d’une frontière entre la France et la Grande-Bretagne qui déroge aux règles de libre circulation au sein de l’UE et a ouvert la voie à une coopération policière franco-britannique qui permet la multiplication des contrôles à la faveur d’un empilement d’accords bilatéraux [1]. En étanchéisant la Manche et la Mer du Nord, cette coopération policière transforme le Calaisis en nasse où s’agglutinent les personnes migrantes, avec pour conséquence la multiplication de prises de risque et d’accidents trop souvent mortels pour franchir l’obstacle à tout prix, selon la même logique qu’en Méditerranée..

Dans un contexte aussi hostile, comment croire que les personnes exilées aient besoin de conseils ou d’encouragements d’une pincée d’activistes pour tenter de forcer le passage, alors même que leur nombre – entre 4 500 et 6 000 -, qui n’a jamais été aussi élevé, leur confère une capacité renforcée de résistance et d’initiative ?

Pour les pouvoirs publics, les attaques calomnieuses contre le réseau No Border présentent l’avantage de détourner le regard de l’opinion de leurs propres responsabilités. Depuis près de vingt ans, tous les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, ont méthodiquement créé les conditions d’un pourrissement qui, au-delà de Calais, affecte une zone géographique toujours plus large. À travers les militants No Border, ce sont tous les membres de nos organisations qui sont visés par des accusations sans autre objectif que de faire oublier où est la violence et où sont les responsabilités.

Nos associations et collectifs ne sont pas toujours d’accord et parlent rarement d’une seule voix. Mais nous ne laisserons aucun d’entre nous être tenu pour responsable de la violence du contexte actuel.

Nos organisations saluent la présence du mouvement No Border à Calais et reconnaissent l’importance du travail mené par ses militants

[1] Entre autres, Protocole de Sangatte (1991), Protocole additionnel au protocole de Sangatte (2000), Traité du Touquet (2003), Accord modifiant l’Arrangement sur le Protocole additionnel au Protocole de Sangatte (2007), Arrangement franco-britannique (2009), Déclarations communes des ministres de l’intérieur français et britanniques (2014 et 2015)

Organisations signataires

– Alternative libertaire
– Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie (ACORT)
– Attac
– Auberge des migrants (Calais)
– Barbed Wire Britain Network (Grande-Bretagne)
– Collectif Calais, Ouverture, Humanité (Calais)
– Collectif de soutien des exilés (Paris)
– Comité catholique contre la faim et pour le développement-Terre Solidaire
(CCFD)
– Droits devant !!
– Emmaüs Dunkerque
– Emmaüs France
– Emmaüs International
– Ensemble !
– Federación de SOS Racismo del estado español
– Fédération des Associations de Solidarité avec Tou.te.s les Immigré.e.s
(FASTI)
– Femmes Egalité
– Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (GISTI)
– La  Ligue des droits de l’Homme (LDH)
– Le Réveil Voyageur (Calais)
– Migreurop (réseau européen et africain)
– Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP)
– Nouveau Parti anticapitaliste (NPA)
– Parti communiste des ouvriers de France (PCOF)
– Réseau Éducation sans frontières (RESF)
– Service jésuite des réfugiés (JRS France)
– Syndicat des avocats de France (SAF)
– Terre d’errance (Norrent-Fontes, Pas-de-Calais)
– Union Syndicale Solidaires

English translation///

Press communication, 16th November 2015

No, the No Borders Movement Is Not Responsible for Raising the Tension in Calais

‘They are encouraging the migrants to commit acts of violence. They are profiting from the helplessness and the distress of migrants and their power to riot. They are using the migrants for their own fight.’

The Minister of the Interior, the Mayor of Calais, and the Prefecture of Pas-de-Calais are united accusing “the militants” of No Borders of raising tensions in Calais and in the center of the “jungle” a ghetto where they have sent many thousands of exiles.

‘The No Borders group encourages the migrants to confront the forces of order, they advise them to block the vans on the roads that pass towards England, and they dissuade them from accepting the proposed alternative accommodation…’

We, the associations and collectives that support the exiles, confirm that these accusations are false and unfounded.

For many years, the No Borders movement has worked in solidarity with the migrants of Calais through a variety of actions. For example, by providing material aid, assisting migrants with administrative and health issues and legal advice. These roles are similar to those carried out by other organizations in Calais. In addition to these activities, No Borders has also opened various squats for the exiles who are left to the mercy of the wind and the rain, and and has documented cases of police violence. This documentation of police violence has allowed many cases to come to trial – cases defending human rights and cases condemning the decisions of the administration.

We believe, it is for its unyielding attitude to the establishment and the denouncement of institutional violence, that the authorities want to make No Borders pay. They don’t hesitate to lie in order to marginalize No Borders and act on behalf of the judicial machine.

This violence, which side does it come from?

From the thousands of people who have fled wars and dictatorships to survive in a land far away, with no roof, almost no water, no toilets , nor access to adequate care or to quality legal information. Is there not ‘violence’ in the indignity of such treatment?

This violence can be seen in the systematic challenging by authorities of court rulings which for years have shown proof of their serious neglect. It can be seen in the conditions greeting those coming to Calais, in the behavior of the law enforcement officers and the passivity of the justice system. These failures have been noted by the UN High Commissioner for Refugees (UNHCR), the Commissioner for Human Rights, the Human Rights Defender, and the National Consultative Commission on Human Rights (CNCDH), Human Rights Watch, and by other national associations. By ignoring these observations, and by contesting the courts’ decisions—such as the recent ruling by the Lille administrative court ordering an urgent improvement in the living conditions in the ghetto of Calais—the authorities are in breech of the rules on asylum in the European Union.

This violence can be seen in the desire of national and municipal administrations to force migrants away from the city in an attempt to make them invisible. They authorities have moved migrants to a place out of the way that they refer to as “the moor.” So called to hide the fact that it is actually a slum located both on a former landfill site, a “Seveso” classified area ( Seveso is an EU classification applied to industrial sites which present high risks of major accidents) and a protected natural area.

This violence can also be seen in the policy of dispersal. This policy results in hundreds of arrests and the placing of migrants in illegal detention centers across France, with the sole aim of pushing these exiles away from Calais and other Northern camps in the Pas-de-Calais. It is an absurd and expensive policy that only results in more humiliation and trauma.

Finally, this violence is the walls and ever growing and more sophisticated barbed wire on the border between France and Britain. This border violates the rules of free movement within the EU and has facilitated Franco-British police cooperation. This cooperation allows for a large increase of controls, thanks to the implementation of bilateral agreements . By sealing off the Channel and the North Sea, this police transform Calais into a net where migrants are trapped. As a result of this border many more risks are taken to over come these obstacles at all costs, too often with fatal consequences.

We see the same thing happening in the Mediterranean.

In a context so hostile, how can you believe that these exiled people need advice or encouragement from a handful of activists to try to force entry, especially when their numbers, which have never been higher—between 4500 and 6000—give them enhanced resilience and initiative?

For the authorities, the false accusations and attacks against the No Borders network present the opportunity to shift the focus of public opinion from their own responsibilities. For almost twenty years, all governments, no matter what political shade, have methodically created the terrible conditions that exist today, in Calais and beyond.

In the blaming of “militants” of the No Border network, we, the members of these organizations see no other aim but to make the public forget who is creating the violence and who should be held responsible. Our associations and collectives do not agree on everything, and we rarely speak with one voice. But we will not let anyone of us be held responsible for the violence in this present context.

Our organizations pay homage to the presence of the No Border movement in Calais and know the importance of the work conducted by their militants.

Signatures of organizations

– Alternative libertaire
– Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie (ACORT)
– Attac
– Auberge des migrants (Calais)
– Barbed Wire Britain Network (Grande-Bretagne)
– Collectif Calais, Ouverture, Humanité (Calais)
– Collectif de soutien des exilés (Paris)
– Comité catholique contre la faim et pour le développement-Terre Solidaire
(CCFD)
– Droits devant !!
– Emmaüs Dunkerque
– Emmaüs France
– Emmaüs International
– Ensemble !
– Federación de SOS Racismo del estado español
– Fédération des Associations de Solidarité avec Tou.te.s les Immigré.e.s
(FASTI)
– Femmes Egalité
– Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (GISTI)
– La  Ligue des droits de l’Homme (LDH)
– Le Réveil Voyageur (Calais)
– Migreurop (réseau européen et africain)
– Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP)
– Nouveau Parti anticapitaliste (NPA)
– Parti communiste des ouvriers de France (PCOF)
– Réseau Éducation sans frontières (RESF)
– Service jésuite des réfugiés (JRS France)
– Syndicat des avocats de France (SAF)
– Terre d’errance (Norrent-Fontes, Pas-de-Calais)
– Union Syndicale Solidaires